Prepara que agora é a hora…

Pour ceux qui n’ont pas la référence du titre je vous renvois vers le hit brésilien du moment : 

Me voilà en partance pour la France après 12 mois passés à découvrir le Brésil. Tant de découvertes, d’émerveillement, de rencontres, mais aussi quelques misères et beaucoup d’aventures. Le Brésil. Avant ces deux mots m’évoquaient vaguement quelques plages, un drapeau, une histoire autour du sucre, du café et de l’esclavage, et les cartes postales habituelles (Bonjour Rio). Maintenant c’est des milliards de souvenirs, et une réalité expérimentée quotidiennement, dans chacun de mes mouvements.

Je l’ai aimé, souvent, je l’ai detesté, parfois. Si j’ai l’impression de le connaître par coeur, après avoir appris sa langue, étudié son histoire et son économie, rencontré ses habitants, vécu à São Paulo, voyagé dans les autres régions, je sais que c’est une tromperie dangereuse. Le « gigante » restera à jamais insaisissable, somme d’individualité condamnée à l’évolution perpétuelle. Les manifestations de ces derniers jours (du jamais vu depuis la dictature) l’a démontré avec brio.

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C’est avec un coeur lourd et des yeux larmoyants que je vais monter dans l’avion. Tant d’aurevoirs ont déjà été dit ces dernières semaines — même si on n’arrive jamais à voir tout le monde, petite grosse pensée pour ceux que j’ai manqué.

Tout le monde m’a dit :

« Tu verras, tu seras à la fois triste de partir et heureuse de rentrer, c’est bizarre ».

Si ce que j’éprouve est bizarre, je le conçois, je ne suis pas d’accord. Je ne suis ni triste, ni heureuse, je suis apathique. Complètement détachée. J’ai à peine la force de monter dans cet avion et pourtant j’y monterais, inexorablement. Une envie de partir qui annule l’envie de rester. Pas d’échappatoire, et, malgré le poids de tout ce que je laisse derrière moi, j’ai de grandes promesses et d’autres projets qui m’attendent.

Je rentre en France, sans vraiment savoir quand je vais revenir.

Je rentre en France, retrouver ceux qui m’ont tant manqué.

Je rentre en France, sans vraiment savoir ce que cela va représenter.

Je rentre en France, renouer avec mes racines.

Je rentre en France, avec un disque dur rempli de photos et des bagages lourds de souvenirs.

Je rentre en France, me demandant s’il s’agit d’une fin ou d’un début.

Bref, je rentre en France et, ne sachant déterminer s’il est plus convenable
d’être heureusement malheureuse ou malheureusement heureuse,
vous conviendrez que l’apathie reste plus confortable.

Les slogans de la révolte du vinaigre

C’était beau, c’était grand, c’était fort, c’était puissant.

La manifestation de lundi, qui a rassemblé plus de 65 000 personnes à São Paulo, s’est déroulée sans aucun accroc. Les manifestants se promenaient pacifiquement dans la ville, bloquant une à une ses plus grandes arcades. La police militaire — sur la sellette depuis les violences de jeudi — qui s’est contentée d’observer sagement depuis les côtés. Le plus émouvant restait la propre surprise des Brésiliens qui n’imaginaient pas une mobilisation aussi totale.

Parce qu’une manifestation c’est fait avant tout pour que le peuple s’exprime, voici un top 5 des slogans des manifestations. Écoutons ce que les Brésiliens ont à dire :

Numéro 1 :

Vem pra rua, vem contra o aumento, vemm !!!

« Viens dans la rue, viens contre l’augmentation, viiieeens ». Numéro 1 par sa fréquence, il est à associer avec de grands gestes de bras censés inciter visuellement les spectateurs au balcon à descendre avec le peuple.

Numéro 2 :

« Brasil, vamos acordar! um professor vale mais do que o Neymar! »

Avancer la vidéo à 1:33 pour entendre le slogan

Littéralement traduit cela donne : Brésil, on se réveille, un professeur vaut plus que Neymar ! C’est mon petit préféré, le seul qui réussi à donner une pichenette au monde entier, montrant que le Brésil n’est pas seulement composé de plages, de femmes en bikinis et de fans de foot qui attendent avec joie la coupe du monde. Même si, certes, ll y en a. Après les manifestations (celle de jeudi, de dimanche et de lundi) le président de la FIFA et Dilma se sont empressés de vanter les bénéfices que va apporter la coupe du monde au Brésil… Mais à un an de la coupe parler encore des infrastructures — comme le métro — qui vont se développer, ça laisse un goût de… vinaigre dans la bouche ! Ne le dites pas, montrez le !

Numéro 3 :

« Sem violência, sem violência ! »

La manifestation (quatrième du genre) de jeudi à laisser flotter un climat de guerre civile à São Paulo du fait des affrontements polices/manifestants. Avec beaucoup plus de personnes dans les rues (10 000 jeudi, 65 000 lundi), mais sans la police, la manifestation de lundi s’est fait remarquée par son pacifisme.  Les manifestants savent que le vandalisme ne fait que décrédibiliser leur mouvement. Ainsi au moindre bruit suspect, après s’être regardé d’un air apeuré, tout le monde se met à crier de manière spontanée « Non violence ». 

Petite note sur la musique : Créée à la demande de Fiat pour sa campagne de pub autour de la coupe des confédérations, elle a été récupérée dans de nombreuses vidéos montrant les manifestations. Pour, contre, beaucoup on été choqués, et Fiat a annoncé que la campagne prendrait bientôt fin. Pour la coupe du monde et les Jeux Olympiques elle a d’ores et déjà annoncé qu’elle changera le refrain.

Numéro 4 :

« O povo unido jamais será vencido. »

Jamais le peuple uni ne sera vaincu. Refrain de la version portugaise d’une chanson chilienne créée à l’occasion du coup d’état de 1973. Plus ou moins d’actualité, elle résonne en tout cas avec succès dans les rues brésiliennes.

Numéro 5 :

« Eu sou brasileiro, com muito orgulho, com muito amor »

D’accord, ce chant vient du football et en particulier de la coupe du monde (tin, tin, tin), mais tout de même, il reste très beau. Les paroles traduites donneraient : « Je suis Brésilien, avec beaucoup de fierté et beaucoup d’amour ». Beau non ? Et puis pour une fois qu’un slogan de manifestant sort du cri de guerre pour se transformer en chant mélodique, c’est plutôt sympa…

Les bonus : On peut citer aussi en vrac

« Oupa, ouba, a paulista é nossa ». (=Oupa, ouba, la paulista nous appartient). Très symbolique, ce slogan est un cri de vengeance que le cortège entonne lorsqu’il atteint l’avenue paulista, une artère très connue qui s’avère être le centre économique et financier de la ville. Pourquoi vengeance ? Car jeudi soir, lors de la quatrième manifestation contre l’augmentation du tarif de bus, c’est lorsqu’ils ont tenté d’aller protester sur la Paulista (et ainsi d’en arrêter la circulation) que tout a dégénéré et que la « Tropa de choque » (Le CRS brésilien) s’est chargé de leur en bloquer l’accès à grand renfort de gaz lacrymogènes, grenades de fumées et balles en caoutchouc.

« Que coincidência, sem a PM não teve violência » (=Quelle coincidence, sans la Police Militaire, il n’y a pas eu de violence), toujours en hommage à la triste altercation de jeudi soir. Je pense que celui-ci est assez clair pour se passer de commentaires !

« Quem não pula, quer tarifa » (=Qui ne saute pas, veut l’augmentation). Très physique, mais aussi très visuel, ce slogan apparaît lorsque le cortège s’arrête pour une raison ou une autre. Mes jambes le pleurent encore.

En guise de conclusion voici surement le slogan qui résume le tout :

« Se a tarifa não baixar, a cidade vai parar »

Si le prix ne diminue pas, la ville s’arrêtera.